Article qui sera publié dans le Bilan Opinions d’avril 2025
C’est un vendredi. Je gare ma voiture dans un P+R pour poursuivre mon trajet en train vers l’un de nos cinq bureaux en Suisse, comme (presque) tous les jours. Mais aujourd’hui, le parking est à moitié vide. Je consulte mon agenda. Que se passe-t-il ? Ah, bien sûr, c’est vendredi. C’est le télétravail.
Dans le train en direction de Lausanne, même constat : peu de monde ce matin, mais il y en aura bien plus aux alentours de 15h, en route vers les Alpes pour le week-end.
Il ne fait aucun doute que le télétravail facilite l’exécution de certaines tâches qui ne nécessitent pas d’interaction avec une équipe. Un clerc de notaire peut aisément rédiger plusieurs actes notariés depuis son domicile : seul le résultat compte. Il en va de même pour un professionnel enchaînant les réunions avec ses collègues de l’autre côté de l’Atlantique via un système de visioconférence. Même le manager le plus traditionnel et « vieux jeu » reconnaîtra qu’il est préférable que ces activités soient gérées confortablement depuis chez soi plutôt qu’au bureau, enfermé dans un « cubicle », ces espaces cloisonnés, minuscules et souvent bruyants.
L’aménagement des bureaux a sensiblement évolué depuis la pandémie : il y a désormais beaucoup plus de salles de réunion pour favoriser la créativité et la collaboration. Les bureaux deviennent des lieux de rencontre et d’échange, plutôt que des espaces d’isolement (bureaux individuels fermés ou cabines de travail). En parallèle, les postes de travail en open space ont diminué grâce à l’essor du télétravail.
Le problème n’est donc pas le télétravail en soi, mais la dynamique d’une organisation qui finit par graviter autour de l’exigence de télétravailler certains jours fixes, les préférés étant souvent le mercredi ou le vendredi pour de pures raisons privées.
Prenons l’exemple de notre cabinet : nous exigeons que chaque candidat et client soit rencontré en personne. C’est un élément fondamental de notre approche qualitative en matière d’évaluation. Si nous adoptions systématiquement le télétravail le vendredi, nous réduirions notre capacité à organiser ces rencontres, limitant le choix des dates pour nos clients et candidats, avec un impact évident sur la perception et la qualité de nos services. Finalement, ce sont les dynamiques et la nécessité du business qui doivent déterminer la possibilité de télétravailler, et non le seul besoin individuel. Le tout, orchestré avec une bonne dose de bon sens paysan.
Plusieurs GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ont récemment revu leurs politiques de télétravail. Amazon, par exemple, a annoncé qu’à partir du 2 janvier 2025, ses 300 000 employés des fonctions administratives devront revenir en présentiel à temps plein, mettant fin aux deux jours de télétravail hebdomadaires. L’objectif ? Renforcer la culture d’entreprise, améliorer la collaboration et la créativité, faciliter les apprentissages informels entre collègues… et probablement mettre fin à certains abus.
Nous ne pensons pas que ces entreprises, qui en 2024 ont été les principaux moteurs de la performance boursière du S&P 500 (aux côtés de Nvidia et Tesla), prennent des décisions irrationnelles. Au contraire.
Comme pour beaucoup de choses dans la vie, c’est l’excès qui pose problème.