Certains mots ont une définition précise, mais une connotation négative. Élitisme est l’un d’entre eux. En opposition à égalitarisme, l’élitisme connote des images de privilèges (indus), de pouvoir (usurpé) et d’arrogance (injustifiée). En d’autres termes, c’est la tête qui dépasse, ce qui n’est apprécié dans notre culture. Sachez que dans notre activité d’Executive Search, nous aimons les têtes qui surplombent. C’est même notre raison d’être. Nous sommes mandatés pour identifier, approcher, séduire et convaincre nos candidates et candidats de parler à nos entreprises mandantes. Ces dernières sont à la recherche, et sont prêtes à payer le prix, pour engager l’élite : d’une profession, d’un métier, du monde académique, d’une spécialisation. Peu importe ; on veut le meilleur et c’est parfaitement compréhensible. Qui ne souhaiterait pas avoir l’ophtalmologue le plus réputé pour sa prochaine consultation des yeux, le professeur d’italien le plus pédagogue avec un historique d’élèves satisfaits et compétents ou le conseiller financier avec des rendements au-dessus du benchmark. Nous sommes donc toutes et tous élitistes, que nous l’admettions ou non.
Au-delà de la recherche de la fine fleur pour notre propre bienfait, ou celui de son employeur, nous sommes probablement un peu secrètement jaloux de certaines élites : qui n’a pas rêvé d’être sur la plus haute marche du podium avec une médaille d’or autour du cou, de faire partie des privilégiés invités à des soirées de bienfaisance au ticket d’entrée prohibitif ou simplement de pouvoir se payer, pour l’un le dernier modèle de sa marque favorite de voiture, pour l’autre des vacances dans un établissement cinq étoiles.
L’élitisme, le fait de favoriser une élite aux dépens de la masse selon le Petit Robert, a aussi la propriété de nous pousser à aller de l’avant, de faire mieux et, si le but est inaccessible, à rêver, ce qui de nos jours est déjà un accomplissement en soi et peut se révéler salutaire. Preuve en est le nombre de followers d’une forme très particulière d’élites sur les réseaux sociaux ou la vente remarquablement stable des magazines people, un media dépassé, très 20e siècle.
Si nos arguments ne vous convainquent pas, réfléchissez à vous-même. Il y a fort à parier que vous faites partie de l’élite dans un domaine, aussi restreint ou inconnu soit-il : sport, connaissances spécifiques, expérience singulière ; même le fait d’en savoir un peu sur beaucoup de domaines, à la façon des humanistes des siècles passés, vous fait appartenir à une frange minoritaire. Ce sentiment d’être unique est à la base de notre sentiment d’être vivant et humain ; il est important pour notre fierté et notre sens de l’accomplissement.
Fini donc de critiquer l’élite, les élites, à tout crin. Célébrons au contraire notre appartenance à ce cercle ouvert.