Il y a dans la vie des moments où les choses basculent. Pas forcément des choses graves, des choses parfois triviales d’ailleurs : un bouchon de trop à la sortie du travail nous fait envisager sérieusement (avec recherches de solutions concrètes à la clé) les transports publics ou le vélo, une facture de téléphone portable au retour des vacances nous pousse à comparer (enfin !) les prix des différents opérateurs, une note en maths catastrophique de plus de notre enfant nous fait appeler une organisation de soutien scolaire.
C’est ce qui s’est passé cette semaine quand la conjonction de deux faits que l’on m’a rapportés me font dire qu’il faut « tirer un trait dans le sable ». Et cela concerne l’utilisation des outils de communication modernes, smartphones en l’occurrence.
Nous avons tous un petit mot ironique, condescendant, voire moralisateur pour ces personnes, (dont on ne fait évidemment pas partie…) qui ne peuvent délaisser leur téléphone intelligent et qui sont rivés, 24/24 365/365, sur leur écran. Si de plus c’est une génération de personnes plus jeunes, nous pouvons nous réfugier dans le sentiment agréable que c’est cela justement, une question de génération. Et l’incompréhension intergénérationnelle est, littéralement, vieille comme le monde
Mais dans les cas qui nous occupent, je me sens justifié et légitime dans mon irritation. Premier cas, celui d’un nouveau, jeune, collaborateur, c’est son premier jour de travail, on l’accompagne dans un tour des bureaux, on le présente à ses nouveaux collègues, il garde le smartphone à la main et, entre deux présentations à des nouveaux collaborateurs, voire pendant, il jette un œil à peine furtif à son écran ! Deuxième cas, presque plus grave. Celui d’un entretien de recrutement. Les deux interlocuteurs représentant l’employeur posent à tour de rôle des questions et quand le candidat répond, l’un des deux consulte ses messages (ou Tinder, mais cela on ne le sait pas, même si on aimerait beaucoup…).
Dans le premier cas, j’ai envie de dire que la personne incriminée manque de savoir-vivre, mais que c’est une chose qui s’apprend et à priori tout espoir est permis. Le rendre attentif et faire prendre conscience de sa maladresse est la responsabilité de son employeur et souvent le premier pas vers la rédemption. Et cette petite leçon, si elle ne lui coûte pas trop cher, pourra lui rapporter gros pour la suite de sa carrière. Peut-être faudrait-il plutôt accuser ses parents de ne pas avoir su mettre un cadre dans l’environnement familial (et ne pas lui avoir inculqué un minimum de politesse).
Dans le second cas, je suis plus perplexe. D’abord des personnes d’expérience devraient avoir ce minimum de politesse qui manque à notre jeune homme, là le changement va être compliqué. Bien sûr, qui d’entre nous n’a jamais pensé à autre chose lors d’un entretien de recrutement, qui plus est si le candidat ne convainc pas. Ou a posé deux fois la même question, ou a raccourci l’entretien par manque d’intérêt. Mais il me semble qu’il y a ici un pas qui a été franchi et que l’on ne devrait pas tolérer socialement. Si je suis en conversation avec quelqu’un, qui plus est une conversation professionnelle délimitée dans le temps, j’ai le droit à l’entière concentration (et si ce n’est à la concentration elle-même, alors à son apparence) de mon interlocuteur. C’est simple : on dit ‘bonjour’, ‘s’il vous plaît’ et ‘merci’ et on prête attention à son interlocuteur.
Mais que faire de ce petit coup de colère ? Je ne suis pas particulièrement courageux et encore moins donneur de leçons. Mais là, j’ai bien l’intention de réagir la prochaine fois que mon interlocuteur accorde plus de place à son écran qu’à moi (et en ce qui concerne le changement de caisse-maladie, cela attendra encore…). Et si vous êtes d’accord avec moi, joignez la fronde !