Vous rentrez de vacances. Premier matin de retour au bureau. Vous êtes encore dans les brumes enivrantes des vacances. Vous avez du mal à vous souvenir du mot de passe de votre login. Votre esprit plane encore et vous revivez les:
couchers de soleil sur l’horizon infini
levers du jour sur les sommets
apéros sous la vigne vierge
repas sans fin et bien arrosés
grasses matinées
(cocher ce qui convient, plusieurs options possibles)
Votre collègue vous demande comment se sont déroulées vos vacances. C’est déjà pas mal de demander me direz-vous. Vous commencez : « Nous avons loué une maison isolée dans le Luberon et… ». Et voilà. C’est terminé. La mention de votre lieu de vacances, et ni d’une ni deux, elle vous explique en long et en large qu’il y a quelques années, avec des amies, elle a passé des super vacances dans le Luberon justement, avait loué une maison telllllllllement extraordinaire. Mais que le propriétaire n’était pas sympa. Et vous avez droit à moults détails. Votre histoire de vacances, que vous aviez peut-être envie de partager, si ce n’est que pour vous rendre compte que oui, les vacances sont finies, s’arrêtera là. Votre compte-rendu a littéralement été phagocyté. Ce n’est pas si grave que cela – c’est vrai – mais cela arrive tout le temps – ça c’est grave. En effet, combien de fois vous est-il arrivé de faire une tentative de vous confier, d’avancer à pas prudents et retenus, pour qu’à la mention d’un élément de votre histoire, votre interlocuteur attrape la balle au bond et parte en courant avec ?
C’est aussi ce qui se passe dans le milieu professionnel. Combien de cadres écoutent-ils leurs subordonnés (ou leur pairs, voire leurs supérieurs) avec attention et concentration, sans tout ramener tout de suite à eux-mêmes.
Nous sommes toutes et tous affectés par ce mal qui consiste à – à la simple évocation d’une réflexion, d’un lieu, d’un sentiment – voyager dans notre tête et ramener les choses à nous-mêmes. Quand cela reste au niveau de la rumination intérieure, c’est encore pardonnable. Quand cela affecte la relation à l’Autre, c’est une autre histoire. Dans le cadre d’une évaluation annuelle c’est désolant, moment qui pour beaucoup d’entre nous, est la seule occasion de partager quelque chose de profond. Et voilà qu’on nous coupe l’herbe sous les pieds.
Si le combat avec soi-même est parfois brutal pour ne pas partir sur une tangente, cela en vaut largement la peine, pour la qualité de la relation d’abord et l’apport que l’on peut faire à l’Autre ensuite.
Que faire, me demanderez-vous, quand vous avez en face de vous quelqu’un qui ne capte pas l’importance du message que vous avez besoin de transmettre ? Il n’y a pas d’alternatives, il faut le dire. Avec autant de douceur que possible, ce qui est plus facile pour certains que pour d’autres. L’essentiel étant que l’Autre entende, puis écoute. Si cela ne marche toujours pas, alors mieux vaut renoncer et se trouver une autre oreille.