Du statut

Un de mes proches amis a récemment vendu son entreprise familiale florissante. Il est le petit-fils du fondateur et, pour des raisons personnelles, n’a pu la transmettre à la 4e génération. Entre le début de la réflexion sur ce difficile tournant de sa vie et la concrétisation de la cession de l’entreprise se sont écoulées entre dix et quinze années.

Il est de prime abord surprenant de mettre tant de temps à vendre une entreprise qui roule, surtout pour moi qui ne vient pas d’une dynastie d’entrepreneurs et qui ai fermement l’intention de laisser à mes enfants le choix le plus libre possible de leur parcours professionnel. Les acheteurs ne manquant pas, c’était donc bien une authentique volonté de vendre qui manquait à mon ami. Il m’a confié, après plusieurs discussions à ce sujet, que l’obstacle réel à laisser aller l’entreprise n’étaient ni le prix, ni l’image d’être le fossoyeur (son expression) de la dynastie entrepreneuriale, ni même la baisse de son revenu. Ce qui lui paraissait le plus difficile, ce qui l’empêchait de dormir la nuit, était la perspective de perdre son statut. Mon ami a, de tout temps, été identifié à son entreprise et à ses produits. Du jour au lendemain, sa crainte, son fantasme, son cauchemar, était de n’être plus reconnu (dans la rue, dans sa famille, dans les milieux sociaux et associatifs dans lesquels il circule) comme étant le représentant vivant des produits de son entreprise. Inutile de préciser que cet imaginaire n’avait de réalité que dans son esprit, son entourage le voyant pour bien plus : comme père, ami, connaissance, associé. Il avait sans doute enflé la perception de la vision monolithique que les autres avaient de lui parce que lui n’avait que cette image de lui-même, celle de chef d’entreprise.

Nous faisons aujourd’hui le parallèle entre le vécu de mon ami et les candidats qui se confrontent à la perspective de changer d’employeur et/ou de fonction : le frein principal est rarement le niveau hiérarchique, la compensation ou la fonction. Le frein est souvent le deuil à faire de l’ancien ‘soi’ : ce deuil est lié à la casquette que le candidat croit porter, sur laquelle est inscrite une définition qui cristallise dans son esprit qui il croit être, comment il pense que les autres le voient. Il est difficile de changer un chapeau que l’on porte depuis longtemps, dans lequel on est confortable, qui a la bonne taille et qui remplit toutes les fonctions essentielles de chapeau ! Mais une casquette ne suffit de loin pas à définir la personne dans sa dimension totale. Quand nous changeons de poste, nous restons frère, mère, ami, conjoint et tout ce que nous sommes.

Le frein au changement n’est que rarement composé de faits dits ‘objectifs’ (compensation financière par exemple, qui par ailleurs, peut devenir plus attractive), mais plus souvent de renoncement qu’il s’agit d’opérer : renoncement à un confort, à du connu, à de la reconnaissance en tant que spécialiste dans un domaine, dans un secteur. On sait toujours ce que l’on quitte, aussi pénible soit l’environnement que l’on délaisse, on ne sait pas au devant de quoi l’on va, même si les perspectives en sont réjouissantes.

Rares sont les personnes qui ont la sagesse de savoir, de sentir que l’inconnu, le nouveau est porteur bien plus que le familier, de nouvelles expériences, d’élargissement de l’horizon, de croissance personnelle et de richesse au sens très large et humain du terme. Et surtout que l’on prend sa personne avec soi, que la casquette que l’on porte sur la tête en cache une multitude d’autres que nous continuerons à porter, malgré le changement. L’enjeu réel du changement de poste donc est souvent moins important qu’il n’y parait.

Ce qui devrait inciter tout un chacun à prendre plus de risques dans la vie, car le risque est porteur de nouveautés et il est souvent bien moins lourd de conséquences qu’on ne veut le croire.

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